Le square du Petit Sablon
Situé au cœur d’un élégant quartier fréquenté notamment par les amateurs d’art et d’antiquités et face à l’église du Sablon, ce petit jardin séduit par son raffinement. Tandis que nous nous laissons envoûter par cet écrin de végétation soigneusement ciselé, sa fontaine monumentale et son défilé de sculptures, ce lieu nous invite à nous plonger dans le tréfonds de nos racines nationales. C’est aux alentours de 1880 que Charles Buls, alors bourgmestre de Bruxelles, décide d’embellir le quartier.
Le percement de l’avenue de la Régence venant d’être achevé, il confie la conception d’un jardin public à l’architecte Henri Beyaert, à l’emplacement de ce qui avait été, durant des siècles, un cimetière dépendant de l’hôpital Saint-Jean. Figure de proue de l’architecture au XIXe siècle, Beyaert dessine pour le square du Petit Sablon un petit jardin de forme trapézoïdale et d’esprit néo-Renaissance flamande. Il compense la forte déclivité du terrain en enterrant une partie du jardin et en bordant d’un soubassement de pierre moulurée le square conçu de plain-pied.
Un double escalier tournant et une double pente sont subtilement intégrés afin de rejoindre le Palais d’Egmont, rue aux Laines. En s’inspirant des modèles du XVIe siècle, l’architecte renoue avec l’âge d’or des Pays-Bas méridionaux. Mais en ces temps où le pays est en quête d’identité culturelle, il rend aussi hommage à une époque marquée par les luttes entreprises au nom de la liberté ainsi qu’à ses héros, les comtes d’Egmont et de Hornes, dont le monument, réalisé en 1864 par le sculpteur Charles-Auguste Fraikin, trône au sein du jardin.
Cet ensemble sculptural, installé à l’origine sur la Grand-Place, représente, avec beaucoup de dignité, les comtes d’Egmont et de Hornes condamnés à l’échafaud pour avoir résisté à la tyrannie espagnole. Derrière eux, dix statues en marbre de carrare logées dans un hémicycle de niches de verdure viennent immortaliser les figures illustres de nos régions au XVIe siècle. Admirons également les grilles en fer forgé aux motifs variés et les statuettes en bronze représentant les corporations de la ville qui closent le square.
Réalisées par les meilleures artistes belges du moment d’après les dessins de Xavier Mellery, ces 48 sculptures illustrent les différents métiers qui florissaient autrefois à Bruxelles. Surmontant des colonnettes toutes différentes d’esprit gothique qui rythment la clôture du square, elles saluent la virtuosité des métiers d’art face aux techniques industrielles en pleine expansion. Un savoir-faire que l’on retrouve également dans l’agencement ainsi que dans la taille des massifs de houx et des broderies de buis. Au fil des saisons, une sélection de plantes plus sauvages et aériennes vient agrémenter cette parfaite symétrie de laquelle se dégage toute la personnalité de ce jardin bien séduisant.
Donatienne de Sejournet
Historienne de l’art et journaliste du patrimoine et de jardins