La place Brugmann
Bordée d’élégants immeubles à l’atmosphère haussmannienne, cette place, qui porte le nom du banquier et philanthrope Georges Brugmann, insuffle à ce quartier résidentiel toute sa vitalité à la fois tranquille et cosmopolite. Ses commerces, cafés et restaurants trendy, son marché bio du vendredi et son incontournable librairie Candide contribuent également à lui conférer cette ambiance de village au sein de notre capitale. Mais si le quartier fort bien fréquenté et situé à un jet de pierre de l’avenue Louise conserve tant d’attraits, elle le doit aussi à son urbanisation effectuée au tournant du XXe siècle.
L’aménagement de cette ancienne plaine champêtre et vallonnée, où de nombreux bouleaux devaient y pousser comme le rappelle son toponyme Berkendael, s’inscrit dans le cadre d’un vaste projet à cheval entre les communes d’Ixelles, d’Uccle et de Forest que Georges Brugmann va amorcer à partir des années 1870 et porter durant plusieurs décennies. Homme d’affaires averti, celui-ci contribua à l’essor de sa ville et de son pays également comme l’un de ses principaux bienfaiteurs en finançant hôpitaux, hospices et autres actions sociales et scientifiques. Si l’idée d’ériger un quartier résidentiel à cet endroit avait déjà été étudiée dès 1866 par Victor Besme, inspecteur voyer des faubourgs de Bruxelles, c’est au géomètre César Boon que fut confiée son exécution vers 1905.
Pour clore la perspective de l’avenue Louis Lepoutre, il a prévu dans son plan d’ensemble une église sur la place, précédée d’un grand parvis rectangulaire qui accueille en son centre un square arboré ovale. Le temps de fonder une nouvelle paroisse, l’architecte Camille Damman, comme lauréat du concours, est désigné en 1909 pour édifier son lieu de culte, mais l’annonce de la Première Guerre mondiale en interrompt les travaux. Ce n’est finalement qu’en 1934 que l’église Notre-Dame de l’Annonciation est consacrée. Entretemps, l’architecte qui avait imaginé une église de style néo-roman en pierre blanche flanquée de trois tours asymétriques, revit son projet à la baisse tout en le réactualisant de motifs Art Déco dans le jeu de briques du parement rehaussé seulement de pierres blanches, la décoration intérieure et l’agencement de volumes.
Autour de la place se côtoient les différents courants Éclectiques, Art Nouveau, Beaux-Arts et Art Déco ainsi que des immeubles à appartements plus récents, sans qu’il n’y ait de discordance. Si une certaine uniformité des gabarits, de l’alignement et de l’utilisation de teintes claires des façades ont contribué à cette harmonie générale, elle n’a pas empêché les architectes tels que d’Alfred Chambon (n°6, 1912), J. Dumalanède (n°8, 1913), Joseph Purnelle (n° 9-9A, 1912) Paul et Robert Picquet (n° 12-20, 1928-29), Joseph Diongre(n°21, 1909) de donner libre cours à leur créativité. Notons également l’ancienne clinique du Docteur Antoine Depage construite en 1905 dans un style Art Nouveau géométrique par Jean-Baptiste Dewin ainsi que son extension, le Centre de Santé édifié en 1926 selon la tendance Art Déco pour la Croix-Rouge de Belgique à l’angle de la rue Joseph Stallaert. Si ce dernier a fait plus récemment l’objet d’une reconversion en un luxueux complexe d’appartements, seule l’entrée du bâtiment moderniste (L. Attout, 1949), qui abritait l’ancien Institut national du sang du côté de la rue Edmond Picard, a été intégrée au nouvel immeuble.
Donatienne de Sejournet
Historienne de l’art et journaliste du patrimoine et de jardins